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Un mets de choix

La capture des poissons s’effectue selon les besoins alimentaires, sans considération aucune pour les cycles de reproduction et de migration qui sont, au Moyen Age, totalement méconnus. Au XIVe siècle, dans un ouvrage intitulé Histoire générale de Paris, le saumon est répertorié parmi les poissons de mer. De plus, les saumons en provenance des rivières côtières de Bretagne ou de Normandie arrivent à la capitale avec les poissons véritablement pêchés en mer. Dans le Dictionnaire de Trévoux rédigé au XVIIIe siècle, le saumon est un poisson de mer pêché en rivière. Ce poisson, aux mœurs étranges pour l’époque, est très prisé et sa conservation fait l’objet de toutes les attentions. A Paris, l’hôtel royal Saint-Pol, résidence de Charles V au XIVe siècle, possédait un aquarium spécifique appelé saumonoir ou sauvoir. Un vivier à saumons a subsisté à Pont-du-Château ; de forme conique, il est constitué de quatre blocs de pierre de Volvic reposant sur une dalle en lave. Il pouvait contenir deux à trois saumons frais destinés à la table du seigneur.

Le saumon est apprécié pour ses valeurs gustatives depuis l’Antiquité. En Gaule et en Germanie, le saumon était, aux dires de Pline l’Ancien, très recherché. Après la conquête de la Gaule, les romains aménagèrent de véritables viviers alimentés en eau douce pour accueillir le saumon.

Les premiers recueils de cuisine apparaissent à la fin du XIIIe siècle, le plus connu date du milieu du XIVe siècle, il est attribué à Taillevent, maître-queux des rois Charles V et Charles VI et intitulé le Viandier. Dans cet ouvrage, le saumon est placé parmi les poissons de mer ront et il est préconisé de le consommer soit frais, soit baconné (fumé). Vers 1393, Le Mesnagier de Paris, texte d’économie domestique écrit par un bourgeois de Paris pour sa jeune épouse, reprend les recettes de Taillevent en les simplifiant : «saumon frais soit baconné et gardez l’éschine pour rostir puis despeçiez par dalles cuites en eaue et du vin et du sel au cuire, mengié au poivre jaunet ou à la cameline et en pasté qui veult pouldré d’espice ; et se saumon est salé soit mengié au vin et à la ciboule par roüelles».

L’école de médecine de Salerne en Italie, dans L’art de conserver sa santé, recueil de préceptes d’hygiène alimentaire et de médecine familiale, donne des conseils relatifs à l’usage des aliments et à leur qualité gustative. Dans cet ouvrage, les yeux, les intestins et la tête du saumon font références en matière de goût : «les gros intestins des saulmons…sont mangers de Rois et de Reines…»
 

assietteLe saumon est un mets cher et festif servi à la table des plus grands. Lors d’un dîner d’apparat à Lyon en 1548, le saumon, placé dans le menu sous la rubrique poisson de mer, rejoint «…lamproies, tortues, soles…». En 1566, un banquet offert à Charles IX et Catherine de Médicis au manoir de Pont-du-Château propose parmi d’autres succulentes préparations, des pâtés de saumon. L’art culinaire évolue pour arriver à son apogée au XVIIIe siècle ; Alexandre Balthazar Grimod de la Reynière, écrivain et gastronome, publie deux ouvrages : l’Almanach des gourmands et le Manuel des Amphytrions où le saumon tient une place de choix, préparé au court-bouillon et au champagne. «Ainsi paré, un saumon est vraiment une pièce curieuse ; bien des gens paieraient pour le voir».

Le saumon de Loire et d’allier trôna jusqu’à la fin du XXème siècle sur les tables de cérémonies de mariage, premières communions et autres baptêmes. Aujourd’hui, le saumon abonde sur les étals des poissonneries, ce qui peut laisser sceptique lorsque l’on parle d’espèce en voie de disparition. Mais il s’agit de poissons d’élevage dont la production mondiale atteint 1,2 M de tonne par an.